Le droit à un environnement propre, sain et durable
Tout individu mérite de vivre dans un environnement propre, sain et durable. La dégradation environnementale, le changement climatique et le développement non durable constituent des menaces sérieuses pour les générations actuelles et futures. Le droit à un environnement sain est un outil stratégique afin de faire face à ces menaces. Que protège ce protège, quelle est réellement sa portée aujourd’hui et quel est l’enjeu pour la protection de l’environnement ?
Les composantes du droit à un environnement sain
Bien qu'il n'existe pas de définition universellement acceptée du droit à un environnement sain, ce droit est généralement compris comme incluant des droits substantiels, c'est-à-dire les droits fondamentaux définissant les obligations et protections de base, et des droits procéduraux, c'est-à-dire les méthodes et processus permettant de les appliquer et de les faire respecter.
Concernant les droits substantiels, il s’agit du :
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Droit à un air pur
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Droit à un climat sûr
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Droit à l’accès à l’eau potable et à l’assainissement
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Droit à une alimentation saine et produite selon des méthodes durables
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Droit à un environnement non toxique pour vivre, travailler, étudier et se divertir
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Biodiversité et écosystèmes sains
Concernant les droits procéduraux, il s’agit de :
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Accès à l'information environnementale
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Participation du public à la prise de décision environnementale
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Accès à la justice et à des recours effectifs en matière environnementale
Le contenu spécifique des droits énoncés est basé sur les meilleures preuves scientifiques disponibles. Il est défini par des organisations internationales comme l'Organisation mondiale de la santé, le Programme des Nations unies pour l'environnement, l'Union internationale pour la conservation de la nature et le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. Par exemple, l'OMS publie des lignes directrices sur la qualité de l'air et de l'eau, tandis que le GIEC fournit des rapports sur les actions nécessaires pour limiter le réchauffement climatique.
En outre, ce droit est étroitement lié à d'autres droits, en particulier le droit à la vie, le droit au meilleur état de santé possible, le droit à la vie privée et familiale et le droit à un niveau de vie suffisant.
L’utilité concrète du droit à un environnement sain
Comme souligné par David R. Boyd, ancien rapporteur spécial sur le droit à un environnement sain, ce droit sert souvent de catalyseur pour un certain nombre d'avantages importants, notamment :
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des lois environnementales plus fortes ;
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des politiques environnementales plus efficaces ;
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des politiques de protection de l'environnement plus efficaces :
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des lois et des politiques environnementales plus fortes ;
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une amélioration de la mise en œuvre et de l'application de ces lois et politiques ;
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l'amélioration de la mise en œuvre et de l'application de ces lois et politiques ;
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l'augmentation des niveaux de participation du public au processus décisionnel en matière d'environnement ;
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l'amélioration de l'accès à l'information et de l'accès à la justice ; et
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une réduction des injustices environnementales.
La conclusion la plus importante à laquelle sont parvenus les chercheurs est peut-être que la reconnaissance du droit à un environnement sain contribue à de meilleurs résultats en matière de droits de l'homme grâce à l'amélioration des performances environnementales, notamment un air plus pur, un meilleur accès à l'eau potable et une réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Des études approfondies sur le droit à un environnement sain ont abouti aux conclusions suivantes :
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les Etats dont la constitution consacre le droit à un environnement sain ont une empreinte écologique plus faible, sont mieux classées dans les indices globaux d'indicateurs environnementaux, sont plus enclines à ratifier les accords internationaux sur l'environnement et ont progressé plus rapidement dans la réduction des émissions de dioxyde de soufre, d'oxydes d'azote et de gaz à effet de serre que les Etats qui n'ont pas adopté de telles dispositions ;
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Les droits constitutionnels en matière d'environnement ont une influence causale positive sur les performances environnementales ; et
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Les droits constitutionnels en matière d'environnement ont une influence causale positive sur les performances environnementales ; et
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Les droits constitutionnels en matière d'environnement sont positivement liés à l'augmentation de la proportion de populations ayant accès à des eaux usées sûres.
La reconnaissance du droit à un environnement sain à l'échelle internationale, régionale et nationale
Reconnaissance internationale
En 1972, lors de la première conférence des Nations unies sur l'environnement, les États ont adopté la déclaration de Stockholm, dont le premier principe mentionne le droit à l’environnement sain et le devoir de protéger l’environnement.
La reconnaissance universelle du droit à un environnement sain par l'Assemblée générale des Nations Unies représente une étape clé dans la campagne de plaidoyer menée par les mouvements de justice environnementale et la société civile. Les résolutions adoptées respectivement par le Conseil des droits de l'homme et l'Assemblée générale des Nations Unies en 2021 et 2022 représentent une avancée majeure pour ce droit.
Toutefois, on observe ici une lacune : ce droit est aujourd’hui essentiellement proclamé dans de grands textes environnementaux dépourvus de valeur juridique. A côté de ces grands textes internationaux à caractère symbolique, certaines conventions internationales sectorielles ou régionales consacrent le droit de vivre dans un environnement sain, pour un domaine ou un champ géographique limité. Ainsi, la Convention d’Aarhus, dont la une portée géographique est principalement limitée aux États membres de la Commission économique pour l'Europe des Nations unies (CEE-ONU) et se concentre sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement. Néanmoins elle protège dès son premier article « le droit de chacun, dans les générations présentes et futures, à vivre dans un environnement propre à assurer sa santé et son bien-être ».
Reconnaissance régionale
Les organes régionaux, tels que la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, reconnaissent également ce droit, renforçant ainsi les lois et politiques nationales et encourageant une jurisprudence innovante en matière de protection de l'environnement. Ce droit a ainsi été inclus dans la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (1981), le Protocole de San Salvador à la Convention américaine relative aux droits de l'homme (1988), la Convention d'Aarhus (1998), la Charte arabe des droits de l'homme (2004), la Déclaration de l'Asie du Sud-Est sur les droits de l'homme (2012) et l'Accord d'Escazú en Amérique Latine (2018).
L'Article 24 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, l'Article 38 de la Charte arabe des droits de l'homme de 2004, et l'Article 11(1) du Protocole de San Salvador à la Convention américaine relative aux droits de l'homme reconnaissent tous le droit à un environnement sain. De même, la Déclaration des droits de l'homme de l'ASEAN en 2012 et l'Accord d'Escazú visent à protéger ce droit pour les générations présentes et futures, intégrant ainsi un environnement sûr, propre et durable comme élément essentiel du droit à un niveau de vie adéquat.
Enfin, si le droit à un environnement sain est absent du texte de la Convention européenne des droits de l’homme tel qu’adopté en 1950, la Cour de Strasbourg s’est depuis employée à le protéger par ricochet à travers les droits garantis, par le biais d’une interprétation dynamique de la Convention. Elle considère, comme cela a été réitéré dans l’affaire Klimaseniorinnen c. Suisse du 9 avril 2024, dans laquelle l'association "Les Aînées pour le climat" se plaignait de l'insuffisance des politiques climatiques suisses face aux impacts du changement climatique sur leur santé et leur bien-être, que le droit à la vie privée et familiale protégé à l’article 8 de la Convention inclut des obligations positives de l'État pour protéger les individus contre les atteintes graves à l’environnement.
Reconnaissance nationale
Le droit à un environnement sain est désormais reconnu par plus de 80 % des États membres des Nations Unies (161 sur 193 États) à travers les constitutions, la législation et les traités régionaux. Cela montre un large consensus sur l'importance de ce droit à l'échelle mondiale.
Les obligations des États découlant du droit à un environnement sain
Obligations des États
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L'adoption de réformes constitutionnelles, législatives et politiques appropriées,
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La mise en œuvre de lois et politiques de protection de l'environnement, telles que les Contributions déterminées au niveau national (NDC), les Plans nationaux d'adaptation et les Stratégies et plans d'action nationaux pour la biodiversité,
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Assurer l'accès à la justice environnementale et à des recours effectifs,
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Tenir les entreprises responsables des dommages environnementaux, indépendamment de l'endroit où ces dommages se produisent,
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Prendre des mesures individuelles et collectives par la coopération internationale
Obligations des acteurs non étatiques
Les entreprises ont également des responsabilités en matière de droits humains, y compris le respect des droits liés à un environnement sain. Cela implique d'éviter de causer ou de contribuer à des impacts négatifs sur les droits humains à travers leurs activités, telles que la déforestation, la perte de biodiversité, les émissions de gaz à effet de serre et la pollution.
La reconnaissance du droit à un environnement sain marque une étape cruciale dans la protection des droits humains et de l'environnement. En intégrant des droits substantiels et procéduraux, ce droit, lorsqu’il est respecté, protégé et mis en oeuvre, aide à combattre la triple crise planétaire que nous traversons. Les États et les entreprises ont des obligations claires pour respecter et promouvoir ce droit, notamment à travers des politiques appropriées et l'accès à la justice. En renforçant ces engagements, nous pouvons garantir un environnement propre, sain et durable pour tous, essentiel à la jouissance de tous les autres droits humains.
Sources :
The Right to a Healthy Environment, a User’s Guide. David R. Boyd, ancien Rapporteur spécial sur le droit de l'homme à un environnement propre, sain et durable, 2024.