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Paysage montagneux

Droits démocratiques environnementaux

  1. Information du public 

  2. Participation du public 

  3. Accès à la justice 

I. Le droit d'accès à l'information environnementale

Le droit d’accès à l’information environnementale fait partie des garanties fondamentales des citoyens et constitue le corollaire indispensable du droit de participation du public et de l’accès à la justice environnementale. Il fait partie des garanties accordées aux individus dont la visée ultime est d’assurer une gouvernance démocratique et effective de l’environnement. 

Si le droit d’accès aux informations environnementales est aujourd’hui largement reconnu, il existe pourtant des lacunes dans sa consécration en droit international. La Déclaration de Rio formalise cette exigence, mais de manière non contraignante, en son principe 10 selon lequel « chaque individu doit avoir dûment accès aux informations relatives à l'environnement que détiennent les autorités publiques, y compris aux informations relatives aux substances et activités dangereuses dans leurs collectivités ». L’Accord de Paris sur le climat prévoit également en son article 12 que « les Parties coopèrent en prenant des mesures (…) pour améliorer (…)l’accès de la population à l’information dans le domaine des changements climatiques » Il ressort de cet article que le principe de l’information du public fait partie intégrante des principes permettant de renforcer l’action des États dans la lutte contre les changements climatiques.  

La consécration la plus claire du principe se trouve dans un accord régional, essentiellement applicable en Europe : la Convention d’Aarhus sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement fait de l’accès aux informations environnementales une condition de la concrétisation et de l’effectivité du droit de vivre dans un environnement sain. Elle prévoit notamment que les autorités doivent rendre disponibles les informations environnementales demandées dans un délai d’un mois (article 3) et ne peuvent s’en exonérer que dans des circonstances limitativement énumérées. Les autorités doivent actualiser ces informations et les maintenir à disposition du public de manière suffisamment accessible (article 5). D’autres instruments, là encore régionaux, prévoient ce type de garantie comme la Convention africaine sur la conservation de la nature et des ressources naturelles de Maputo en son article 16, ou l’Accord régional d’Escazú, de 2018, sur l’accès à l’information, la participation et la justice en matière d’environnement en Amérique latine et dans les Caraïbes.

Dans le champ de la société civile, la Charte de la Terre impose également que « toute information d’une importance vitale pour la santé humaine et la protection de l’environnement, y compris l’information génétique, est accessible au public ». La Déclaration de New Delhi, les Principes de Johannesburg relatifs au rôle du droit dans le développement durable, les Principes d’Oslo sur les obligations globales pour le changement climatique, le projet de Pacte de l’UICN ou encore la Déclaration mondiale de l’UICN sur l’État de droit environnemental affirment tous ce droit des individus à bénéficier d’une information adéquate en matière environnementale. 

Au niveau jurisprudentiel, enfin, on trouve quelques apparitions de ce principe : la Cour européenne des droits de l'homme a reconnu un droit à recevoir des informations en matière d'activités dangereuses pour l'environnement. Elle a considéré dans l’affaire Guerra et al. c. Italie de février 1998qu'en laissant les requérantes dans l'attente d'informations essentielles qui leur auraient permis d'évaluer les risques pouvant résulter pour elles du fait de continuer de résider sur le territoire d'une commune exposée à un risque majeur, l'État défendeur avait violé l’article 8 de la Convention.

II. La participation du public

Complément traditionnel du droit à l’information, le principe de participation du public recouvre le droit pour les citoyens de formuler un avis lorsque doivent être pris une décision administrative ou un acte normatif susceptible d’impacter l’environnement.

A nouveau, on observe pour ce principe des lacunes en droit international de l’environnement. Le principe 10 de la Déclaration de Rio est rédigé d’une façon très générale et peu impérative : « [l]a meilleure façon de traiter les questions d’environnement est d’assurer la participation de tous les citoyens concernés, au niveau qui convient ». La Charte mondiale de la nature en fait quant à elle un droit de « toute personne » à « participer […] à l’élaboration des décisions qui concernent directement son environnement ». 

En dehors de ces textes sans portée juridique, le principe de participation se trouve consacré dans des conventions à caractère sectoriel ou régional. Ainsi, sur la question spécifique du climat, l’article 12 de l’Accord de Paris inclut cette exigence, en indiquant que les parties coopèrent en prenant des mesures pour améliorer « la participation du public […] dans le domaine des changements climatiques ».

S’agissant des textes régionaux, la Convention d’Aarhus, essentiellement applicable en Europe, établit un régime plus détaillé. Elle prévoit la participation du public tant dans la procédure d'autorisation de certaines activités particulières qui sont énumérées dans l'annexe I en son article 6, que lors de l'élaboration des programmes et politiques relatifs à l'environnement en son article 7 et durant la phase d'élaboration de dispositions réglementaires et/ou d'instruments normatifs juridiquement contraignants d'application générale en son article 8. Le principe de participation du public peut impliquer l’organisation de débat public. Pour sa part, la Convention africaine pour la conservation de la nature et des ressources naturelles prévoit en son article 16 que « [l]es Parties contractantes adoptent les mesures législatives et réglementaires nécessaires pour assurer à temps et de manière appropriée : [...] c) la participation du public à la prise des décisions pouvant avoir un impact important sur l’environnement ». 

S’agissant des initiatives de la société civile, le projet de Pacte de l’UICN consacre un droit « de participer de manière effective au processus de décision au niveau local, national et international en ce qui concerne les activités, mesures, plans, programmes et politiques qui peuvent avoir un impact significatif sur l’environnement », à l’instar du projet de Pacte international relatif au droit des êtres humains à l’environnement du CIDCE. La Déclaration mondiale de l’UICN sur l’état de droit environnemental, en revanche, présente le principe de participation comme l’un des « éléments-clés de gouvernance » sur lesquels doit reposer l’État de droit environnemental. En outre, elle comporte un article qui protège le droit de participation, de manière spécifique, pour certains groupes minoritaires ou vulnérables. Son principe 9 dispose en effet que « [l]’inclusion des minorités et des groupes vulnérables, et de perspectives intergénérationnelles, doit être vivement encouragée en ce qui concerne l’accès à l’information, la participation active et ouverte au processus de décision, et l’accès à la justice »

III. Accès à la justice en matière environnementale

L’accès à la justice environnementale est un enjeu stratégique de premier plan en matière de droit de l’environnement puisqu’il conditionne l’effectivité des normes adoptées et, in fine l’effectivité du Pacte. Ce principe constitue depuis plusieurs décennies l’une des réponses de la communauté internationale des juristes aux difficultés de mise en œuvre et d’application des textes en matière environnementale. La reconnaissance du rôle fondamental des tribunaux dans la protection de l’environnement est donc indispensable.

Le principe d’accès à la justice environnementale est aujourd’hui rarement consacré en droit international. Le principe 10 de la Déclaration de Rio, dépourvu de valeur juridique, englobe sommairement cette exigence en indiquant qu’« [u]n accès effectif à des actions judiciaires et administratives, notamment des réparations et des recours, doit être assuré. La Déclaration de principes éthiques en rapport avec le changement climatique, élaborée dans le cadre de l’UNESCO et adoptée en novembre 2017, adopte une approche similaire en prévoyant que : « Face aux effets néfastes du changement climatique ainsi qu'aux politiques et mesures d'atténuation et d'adaptation prises au niveau national, il faudrait donner effectivement accès à des procédures judiciaires et administratives, notamment à des réparations et à des recours ».

S’agissant des textes ayant une portée juridique, peu de conventions internationales se réfèrent à ce principe. Le régime de la Convention d’Aarhus, qui concerne surtout l’Europe, est le plus abouti à l’heure actuelle. Son article 9 règlemente dans le détail la manière dont les Parties doivent mettre en œuvre cette garantie. Il dispose notamment que « Chaque Partie veille, dans le cadre de sa législation nationale, à ce que les membres du public concerné 

a) ayant un intérêt suffisant pour agir ou, sinon, 

b) faisant valoir une atteinte à un droit, lorsque le code de procédure administrative d'une Partie pose une telle condition, puissent former un recours devant une instance judiciaire et/ou un autre organe indépendant et impartial établi par la loi pour contester la légalité, quant au fond et à la procédure, de toute décision, tout acte ou toute omission tombant sous le coup des dispositions de l'article 6 et, si le droit interne le prévoit et sans préjudice du paragraphe 3 ci-après, des autres dispositions pertinentes de la présente Convention ».

 

Il y ajoute l’obligation de veiller « à ce que les membres du public qui répondent aux critères éventuels prévus par son droit interne puissent engager des procédures administratives ou judiciaires pour contester les actes ou omissions de particuliers ou d'autorités publiques allant à l'encontre des dispositions du droit national de l'environnement ». Pour encadrer ces procédures, le quatrième alinéa de l’article 9 exige enfin que « les procédures visées aux paragraphes 1, 2 et 3 ci-dessus [offrent] des recours suffisants et effectifs, y compris un redressement par injonction s'il y a lieu, et [soient] objectives, équitables et rapides sans que leur coût soit prohibitif ». Par conséquent, les autorités publiques se voient fournir des indications relativement précises sur la teneur et les modalités de l’accès à la justice environnementale. À l’échelle de l’Union européenne, ces exigences ont été adaptées par la Directive 2003/4/CE concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement.

 

Cette lacune du droit international a conduit plusieurs initiatives issues de la société civile à proposer une consécration plus claire de cette exigence. Les Principes de Johannesburg relatifs au rôle du droit et au développement durable affirment le caractère fondamental du recours juridictionnel en matière environnementale. Ils proclament notamment que « l’indépendance du pouvoir judiciaire et les procédures juridictionnelles revêtent une importance cruciale pour l’application, l’élaboration et le respect du droit de l’environnement, et que la magistrature ainsi que ceux qui contribuent aux procédures juridictionnelles aux niveaux national, régional et mondial, sont des partenaires incontournables si l’on veut favoriser le respect, l’application et l’exécution du droit international et national en matière d’environnement ». La Déclaration mondiale sur l’État de droit environnemental souligne dès son préambule « le rôle essentiel des juges et des cours dans la construction du droit de l’environnement à travers l’application effective des lois aux niveaux national, infranational, régional et international, et grâce à un pouvoir décisionnel impartial et indépendant, qui accorde à chaque partie une considération égale quel que soit son pouvoir ou privilège ». Le projet de Pacte de l’UICN présente cet impératif comme un droit de « toute personne » d’avoir un « accès effectif aux procédures administratives et judiciaires, y compris pour les recours et réparations, afin de contester les actes ou omissions de personnes privées ou d’autorités publiques qui contreviennent au droit national ou international de l’environnement », que les États doivent mettre en œuvre.

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